À travers une production plastique protéiforme, Jean-Arneau Filtness pose les bases d'un travail à l’entrecroisement permanent de deux plans : celui de la recherche pure (parfois froidement expérimentale) et celui de la prospection poétique (sensible, solaire et lumineuse). Ces pôles cependant sont unis par des analogies plus précises et plus fondamentales encore : un certain sens de la poésie qui traverse ces deux plans et le choix du titre des œuvres. Renonçant à la répétition du même, fonctionnant par ricochets, tentatives et allers-retours – et, en raison de l’apparent foisonnement des expressions et des formes –, ces recherches sont une tentative de refléter parfois absurdement le monde à la fois terrible et merveilleux, sensible et théorique, intelligible, juste et discordant jouant librement avec les frontières, interrogeant nos repères, s’intéressant moins aux choses qu’à leurs relations.

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Décomposition du spectre actuel de ces recherches : anthropologies fictives ou recherches sur la perte de repères, l’amnésie et la réinvention imaginaire d’un monde neuf sans origines ; contournement du cadre dominant de l’esthétique scientifique de la couleur et du fonctionnalisme chromatique ; réflexion sur le destin fonctionnel de certains instruments de mesure ; recherches liées à la coexistence de l’oubli et du souvenir ; réalisation de répliques abstraites – calque libre ou report utopique inconditionnel – de tableaux intemporels ; réflexion sur l’antériorité et le futur, la différence et la répétition.

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Je travaille sur la notion de frontière et le déplacement systématique de la perception ordinaire de choses communes (objets utilitaires, concepts, propositions artistiques préexistantes). 

 

Exalter de façon sensible le caractère extraordinaire de ce qui est en apparence ordinaire (​la beauté des choses communes, la perception ordinaire d’objets utilitaires, le prosaïsme supposé de certains concepts, l’iconique banalisation de propositions artistiques préexistantes) via le déplacement systématique de leur perception ordinaire.

 

Une démarche liée à la coexistence de l’oubli et du souvenir.  ​

 

Ce déplacement — qu’il résulte (a) du contournement des cadres dominants de l’esthétique scientifique de la couleur et du fonctionnalisme chromatique, voire du destin fonctionnel de certains objets, (b) de la réalisation de répliques abstraites – calque libre ou report utopique inconditionnel – de tableaux intemporels via leur austère recréation, ou (3) d’une libre réflexion sur l’antériorité et le futur (ou les motifs deleuziens de différence et de répétition) — interroge les notions de REPORT et de MUTATION, conçues puis développées lors de mes études philosophiques ; il anime invariablement chacune de mes propositions, structure mon champ de recherches. 

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L’expérience esthétique ou l’épreuve de la résistance en art comme point de départ de ces réflexions

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Pour exprimer cette singularité, j’ai adopté – mais sans la suivre dans ses développements – l’expression goodmanienne d’expérience esthétique (que N. Goodman décrit comme une expérience cognitive distinguée et indépendante).  

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Il me semble que quelque chose s’y répète, quelles qu’en soient la nature, l’origine ou l’époque de création.   

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Quelque chose se reporte mais ce report est indissociable à sa perte : oubli et souvenir coexistent.  

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Si l’expérience est une, le support, lui, est interchangeable : le support mute. En cela, la mutation n’est jamais un progrès mais un report.  

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L’exaltation sensible du caractère extraordinaire de ce qui est en apparence ordinaire via le déplacement systématique de leur perception ordinaire explore sans relâche cette même double contrainte « oubli et souvenir », « report et mutation » : ici, quelque chose est détourné, désinvesti ; là, quelque chose resplendit en sa singulière banalité. 

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